Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
Sébastien DAVID Vigneron
1 mars 2011

Qui veut tuer le soldat Ryan ?

Dans le microcosme viticole français il y a des jours où vous ne pouvez que penser qu’il y a un ou plusieurs de vos voisins et confrères qui ne vous veulent pas forcément que du bien. On en parle souvent entre nous, la nouvelle réforme des Appellations d’Origine devait avoir pour but d’améliorer un système plutôt brinqueballant. Comment peut on être juge et partie ? La profession dans son ensemble s’est dotée d’une arme de neutralisation parfaite pour les acteurs de la médiocrité ambiante, afin qu’aucune vague ne vienne éclabousser les chaussures de chacun ! Je ferme ma gueule si tu n’ouvres pas trop la tienne… Aujourd’hui pour avoir la chance de revendiquer une AOP (Appellation d’Origine Protégée), tes voisins jugent ton boulot, tes vins, et gare à toi si tu déranges. Preuve est faite une fois de plus que tout cela est vraiment un grand n’importe quoi !

 

Il y a dix jours de cela j’ai donc reçu mon rapport d’inspection N°INS 11/72 concernant la dégustation de ma Cuvée l’Hurluberlu 2010 mis en bouteille quelques jours auparavant. Les membres du jury de dégustation ont donc noté mon comme suit :

 

Inacceptable, graves défauts : oxydé, mauvais goût, insuffisant  Niveau 5

 

D’un premier abord on se dit que là vue que l’échelle des niveaux va de 0 à 5, on ne peut pas mieux faire (dans le mauvais sens bien sur, car 0 est le signe de la perfection viticole moderne et 5 bien sur, tout son contraire !), et que l’affaire ne doit pas être si grave puisque le résultat est arrivé par la poste en lettre normale. Une chance pour moi que la poste bosse bien par chez nous, car un peu plus je n’aurai même pas été averti sinon. Passons, donc 5, je pense que pour moi c’est le chiffre de la semaine (faut que je joue au loto, il me manque quelques chiffres mais c’est un bon début). 5 disais-je et bien tout simplement c’est aux vues des journées de formations obligatoires que j’avais reçue le déclassement voire la destruction du vin. Et ouais, faire ce qui ressemblerai à du vinaigre n’est pas chose aisée de nos jours, il y a en plus un cahier des charges. Donc oublions pour l’instant la destruction car après appel téléphonique à l’INAO, petit un, on n’a jamais vu ça ici (des 1 des 2 voire peut être une fois un 3 d’accord, mais si haut (5) en première instance comme qui dirait, vaut mieux avoir une grosse cheminée afin de pouvoir y marquer une bonne grosse croix bien visible car ça n’arrive pas tous les ans), et petit deux « vous savez Monsieur DAVID il vous reste le déclassement en vin de France… ».Là évidemment, la moutarde me monte vite au nez, évidemment que j’ai d’ores et déjà souvent plus de respects pour les vignerons qui font des vins de table avec des cahiers des charges internes qui sont d’une autre mouture que celle de notre ODG (organisme de gestion).  Pour tout vous dire la réflexion a été longue, il est temps de mettre un coup de pied dans cette fourmilière et de rendre aux vignerons (les personnes qui veulent respecter leur terroir, leur famille et leurs compatriotes) les rênes de nos appellations. Comment en désherbant tous azimuts des sols filtrants en pleine période de pluies, en faisant pisser les vignes, en vinifiant avec des levures exogènes sélectionnées, en matraquant les vins de dizaines d’intrants (qui ont comme racine alimentaire E…) on peut se targuer de respecter son terroirs et ses clients ?

 

La coupe est pleine, je ne suis pas procédurier mais quand il faut, il faut !

 

Première étape donc, séance de brainstorming avec mon avocat. La procédure, toujours la procédure : vérification du bon déroulement de la première dégustation. Quid, ha oui j’ai oublié de vous dire que qui dit 5, dit pas de procédure contradictoire, et oui fallait pas jouer à la roulette russe « Monsieur DAVID, vous avez droit à une seconde dégustation quand nous le souhaiterons avec l’échantillon témoin et surement les mêmes personnes afin d’entériner le niveau de gravité. Faut pas rêver Monsieur DAVID, ce n’est pas une remise en question de notre part mais juste une vérification organoleptique de notre jugement initial, ce n’est pas de notre faute si votre vin (jusqu’ici c’est encore du vin dieu merci) n’est pas acceptable ». Bas ouais, je suis idiot ou quoi, qui pourrait bien croire à mal. Dorénavant, de toutes façons et pendant un an, avant de bouger le petit doigt vous êtes en période probatoire. Je ne supporte déjà pas les montres à mon bras, va presque falloir que je porte un bracelet  électronique qui épiera tous mes gestes. Il manquerait plus que je sois obligé de prévenir avant de toute action viticole et vinicole que je souhaite faire. Encore une chance que je sois assez peu interventionniste en cave car avec tout ça je ne vous raconte pas le brassage de papiers et la dépense d’énergie engendrée. Et le plus beau c’est que tout cela est à ma charge bien sûr, 65,00€ chaque opération.  De toutes façons je n’ai pas le choix.

 

Deuxième étape, fédérer cette frange du monde viticole qui souhaite que cela cesse. Plein le c… que des viticulteurs nous embêtent (pour rester poli) avec des refus d’agrément quotidien. Pour ceux qui suivent les blogs vignerons, non, non vous ne rêvez pas, le problème de tout cela ce sont bien les marginaux, ces personnes qui  proposent des offs aux salons des vins professionnels. Dernier article lu, un vigneron de l’appellation voisine, qui se plaint que les offs profitent de l’argent que les comités interprofessionnels mettent dans les campagnes de pub pour les salons et qui détournent donc la notoriété de tels événements afin d’attirer un publique de plus en plus nombreux vers leurs propres dégustations. A noter que ce vigneron, ancien président du comité d’inspection (ha, ha comme c’est drôle) oublie de dire que son appellation à choisit de sortir du giron de notre interprofession et profite quand même de la publicité d’Interloire pour participer au salon sans payer un kopeck de publicité ! Ho que cela est vilain…

 

En introduction je parlai d’AOP, avec comme signe distinctif que P = protégée. C’est bien une notion de protectionnisme qu’il va falloir éradiquer, car si aujourd’hui 1 agriculteur se suicide chaque jour, si 3 agriculteurs mettent la clef sous la porte journalièrement, combien sont exaspérés par cette démagogie ambiante, cette odeur de suspicion nauséabonde continuelle. En agriculture, il a été souvent remarqué que celui qui haussait la voix le plus fort avait toujours raison. Qu’est ce qui peut bien se passer dans la tête des gens pour que plus rien ne les faces réagir ? Faut-il que de nos jours casser du sucre sur le dos de ses collègues soit un objectif ? Dans ce cas, on ne parlera pas de révolution mais plutôt de résistance, la lutte semble longue et difficile mais n’y a t’il que l’espoir qui puisse faire tourner le monde, mon monde en tous cas.

Publicité
Commentaires
P
Avec peu de retour, très tannique, amer, fermé.Trop jeune. Ou défaut.
B
Oui, merci de me permettre de revenir sur ce fil... Je n'osai en rajouter, mais vous me donnez une belle occase. Alors, j'en profite.<br /> Dans mon précédent commentaire, je disait clairement que je ne connaissait pas Sébastien et ses vins. Mais les choses ont changé depuis le 2 mars...<br /> Je ne connais toujours pas Sébastien, mais par contre, j'ai eu l'occasion de déguster ce fameux "Hurluberlu" 2010... C'était fin avril, chez un couple de vignerons bordelais...<br /> Et bien le moins que l'on puisse dire, c'est que nous n'avons pas du boire la même bouteille, mon cher wiwi... ou que nous n'avons pas la même "objectivité"...<br /> Voici, pour autant que je m'en souvienne, les impressions que nous a laissé ce vins (quatre personnes à table: 3 "pros", une relative béotienne).<br /> Seul point commun avec vos remarques, le nez. Effectivement, à l'ouverture quelques arômes déplaisants, pas très nets. Avec malgré tout un joli fruit. La bouche n'était certes pas d'une complexité à faire lever un mort, mais c'était souple, frais, très buvable... Et en aucun cas, oxydé, sale, vert(faudrait d'ailleurs me définir ce qu'est un vin "vert", je n'ai jamais su...).<br /> Comme il y avait d'autres vins à boire et qu'on voulait voir comment évoluait ce vin, il fut laissé en vidange jusqu'au lendemain. Ce que, j'en conviens, vous ne pouviez faire au restaurant. Et c'est bien dommage, car vous auriez pu constater que les arômes désagréables au nez avait disparu!.. Donc point de Bretts...Simplement un peu de réduction, certainement due à l'élevage anaérobie. <br /> Enfin, je ne peux que sourire à votre hypothèse.<br /> Sachez cher Oui-Oui, qu'une "macération carbonique mal maitrisée" n'a pas pour conséquence une oxydation ou une apparition des Bretts...mais plutôt une piqûre acétique tendance vinaigre.... Quand aux Bretts, elles se développent essentiellement quand il y a une mauvaise hygiène en cave (tuyaux, cuves mal ricinés, par exemple). Donc rien à voir avec la carbo... Tout ceci étant soumis aux aléas de ma mémoire des cours de vinif...<br /> <br /> Je ne suis donc pas d'accord avec vous, ni avec l'INAO. Et ce vin pouvait prétendre à une AOP. Car nulle oxydation, des "mauvais goût" fugaces et non rédhibitoires, car dus à la réduction, quant à l'insuffisance, il faut beaucoup de suffisance pour la décréter.<br /> <br /> A bientôt pour de nouvelles aventures...
W
Bonjour, j'ai le regret de vous informer que l'INAO n'a pas été injuste avec votre vin. En effet, j'ai goûté l'Hurluberlu dans un restaurant de Chinon. La bouteille a été ouverte devant nous et était encore fraîche, elle sortait de la cave à vin. Le nez est assez plaisant bien que révélant des notes animales après que le vin soit chambré. En bouche, aucune bonne surprise ne vient remonter le niveau, un goût proche de celui d'un vin contaminé par des Brettanomyces : goût "sale", de sous-bois et très vert est perçu sans problèmes (y compris par des amis présents qui n'ont qu'une connaissance partielle des vins) tout ceci laisse pensé à une macération carbonique mal maîtrisée qui a oxydé le vin et a laissé le champ libre aux Brettanomyces. Vous émettez l'hypothèse du transvasement lors de la dégustation à l'INAO mais dans mon cas, le vin n'a pas été transvasé et les mauvais goût étaient quand même présents.
B
Bonjour Marion,<br /> <br /> on peut en savoir un peu plus?.. Nom du domaine, région..<br /> Merci.<br /> <br /> Un caviste curieux. ;-))
M
Bonjour Sébastien,<br /> <br /> Je suis une jeune viticultrice de 25 ans, j'ai lancé mon premier vin en 2009 et je n'ai pas choisi d'adhérer à l'IGP, trop de formalité et surtout trop cher pour quelqu'un comme moi qui se lance. De plus je cultive des cépages un peu atypiques pour ma région, bien qu'ils y soient autorisés. (je n'ai jamais aimé faire la même chose que les autres et je milite contre la standarisation des goûts qui commence à être de + en + pesante)<br /> Je m'impose un cahier des charges propre et + drastique que celui de l'IGP.<br /> J'inscris la mention "vin de france" sur la contre et sur l'étiquette principale je joue avec le nom et un graphisme bien particuliers et finalement, à part auprès des cavistes, ça passe très bien. Le seul inconvénient, il faut forcer un peu la main au gens pour les faire gouter, le public a un peu de mal à me situé par rapport aux vins avec IGP. Il faut que je fasse un gros travail de communication dans les foires pour expliquer ma démarche.<br /> Au final je mis retrouve quand même et j'assume mes convictions : marre d'être la vache à lait des bureaucrates.<br /> En tout cas bon courage.
Sébastien DAVID Vigneron
Publicité
Archives
Catégories
Publicité